70.000 personnes disparaissent chaque année en France : comment travaillent les bénévoles de L'association Assistance et Recherche de Personnes Disparues ?

70.000 personnes disparaissent chaque année en France : comment travaillent les bénévoles de L'association Assistance et Recherche de Personnes Disparues ?

Ce 30 août est la Journée Internationale des personnes disparues.

 Une enquêtrice de l'association Assistance et Recherche de Personnes Disparues nous dévoile la réalité du terrain

Chaque année, plus de 70 000 personnes disparaissent en France, dont 50 000 mineurs. "En moyenne, environ 1 000 disparus ne sont jamais retrouvés", nous explique Claire Descargues, présidente Bourgogne-Franche-Comté de l'association Assistance et Recherche de Personnes Disparues (ARPD), créée en 2003 et composée d'environ 500 enquêteurs bénévoles sur tout le territoire.

L'association implantée dans 12 régions est composée de personnes de tous âges, anciens policiers, gendarmes, douaniers, détectives privés à la retraite ou encore en activité. D'autres membres sont des personnes ayant été touchées de près ou de loin par la disparition d'un proche. C'est le cas de Claire Descargues. Nous l'avons contactée à l'occasion de la Journée Internationale des personnes disparues, et notamment des victimes de disparitions forcées

19 enquêteurs installés en Bourgogne-Franche-Comté

Dans les années 80, son fils alors âgé de 17 ans, est enlevé à la sortie de son lycée. Malgré le fait d'avoir retrouvé rapidement son enfant, cette épreuve a été véritablement traumatisante pour Claire. Aujourd'hui retraitée, son engagement en soutien aux familles de victimes de disparition est désormais total. 

En Bourgogne-Franche-Comté, 19 enquêteurs œuvrent à la recherche de proches disparus. Ils arpentent le territoire et mènent l'enquête lorsqu'ils sont contactés par des familles démunies par l'absence inexpliquée d'un des leurs.Au niveau national, ils sont 500 rattachés à l'ARPD.

En France, depuis 2013, seules les disparitions de personnes majeures, jugées "non inquiétantes" échappent à une enquête de police. Les personnes de plus de 18 ans, en pleine possession de leurs moyens intellectuels, ont le droit, dans les faits, de "disparaître". Entre 4 000 et 5 000 personnes disparaissent chaque année volontairement. "Dans ce cas, ce sont des décisions réfléchies. Ce sont des gens qui veulent absolument partir à la suite d’un différend familial, d'un gain financier ou parfois même d’un héritage. Ils partent souvent à l’étranger", explique l'enquêtrice.

Ce n'est pas du tout évident, il faut beaucoup d’empathie. C’est un travail lourd psychologiquement.

Claire Descargues, enquêtrice bénévole à l'ARPD

"Il y a aussi des beaux moments"

Lorsqu'elles ne sont pas volontaires, les motifs de disparitions restent nombreux : fugues de mineurs, enlèvements, suicides, accidents... "Il y a pas mal de disparitions existentielles en ce moment, en raison du contexte social et économique. Cela peut aussi être des fuites motivées par une soustraction à des menaces, ou même pour se soustraire à la police ou la justice". Pour les disparitions qui bénéficient d'une enquête, certaines finissent "classées" faute d'éléments. On appelle cela des "cold case". Les enquêteurs de l'ARPD font quelques fois des découvertes macabres, dans le cas de suicides, et doivent se remettre sur pied rapidement pour pouvoir poursuivre leur travail sur d'autres dossiers.

"Il y a aussi des beaux moments. Quand les familles arrivent à se retrouver", positive l'enquêtrice installée près de Saint-Amour, dans le Jura. 

L’ARPD entretient des relations avec les représentants de la police et de la gendarmerie. Lorsqu'une famille la contacte, elle conseille toujours en premier lieu de faire une déclaration aux services de l'État. Elle dispose ensuite de plusieurs moyens pour mener à bien ses recherches et notamment de chiens pisteurs comme celui de Claire Descargues.

"Le diable se loge dans les détails"

"Après s'être assuré qu'ils avaient fait une déclaration à la police ou à la gendarmerie, on leur fait monter un dossier de 13 pages. On leur fait tout noter, même le petit détail, car comme je dis 'Le diable se loge dans les détails'. Puis, je distribue le dossier à l’enquêteur installé le plus près du lieu de disparition. On essaie d'ailleurs de mettre deux enquêteurs sur le coup", nous dévoile Claire Descargues, en précisant qu'elle se doit de connaître les rouages du Code civil et du fonctionnement de la justice.

L'association a également de nombreux partenaires, anciens magistrats, avocats, médecins légistes, psychologues, anthropologues et même géologues. Ces aides sont précieuses pour avancer plus rapidement sur les dossiers, tout en respectant le cadre légal. Elle travaille par exemple en collaboration avec des associations de mantrailing. Cette discipline canine venue des États-Unis consiste à pister un individu, perdu ou disparu, grâce à un duo chien-maître et à un objet portant l'odeur de la personne recherchée. Des battues peuvent être aussi organisées par l'ARPD, en partenariat avec la protection civile.

Actuellement, Claire Descargues et ses enquêteurs installés en Bourgogne-Franche-Comté travaillent sur cinq dossiers de disparition. Chaque année, plusieurs d'entre elles sont élucidées. D'autres restent malheureusement inexpliquées, au grand désarroi des familles qui restent hantées par les questions.

Des familles prises en otage du silence 

En Franche-Comté, on se souvient notamment du long combat des parents de Sophie Arnoult, disparue à l'été 1985, à 22 ans, alors qu'elle randonnait en Corse avec son ami et pratiquait cette discipline depuis l'âge de sept ans. En 2006, elle est finalement déclarée décédée, après des années de recherches infructueuses et sans que son corps ait été retrouvé. Ses parents privilégient pourtant l'enlèvement. "Je suis persuadée que Sophie est vivante. Tant que son corps n'aura pas été retrouvé, j'espèrerai revoir un jour notre fille. Il faut bien que les gens comprennent que les familles confrontées à la disparition ne peuvent pas faire le deuil de l'être cher disparu", déclaraient dans la presse Jacques et Josette, les parents de Sophie Arnoult, dix ans après sa disparition.

► Nous les avions rencontrés en 2017

Agée de Sophie Arnoult a disparu subitement en septembre 1985 en plein maquis corse. Sa famille a tout tenté, mais elle n'a jamais été retrouvée.

Autre disparition extrêmement médiatisée dans notre région, celle de l'étudiante japonaise Narumi Kurosaki à Besançon, en 2016. La dimension criminelle est dans ce cas avérée. Le procès en appel de son assassin, condamné en première instance à 28 ans de réclusion criminelle, est prévu en décembre 2023. Le corps de la jeune femme n'a jamais été retrouvé, malgré les supplications de la famille de Narumi Kurosaki pour que Nicolas Zepeda, son ancien petit ami, indique l'endroit où il a déposé son corps après l'avoir tuée.

Plus récemment, Brigitte Ligney, maire de La Chenalotte et randonneuse chevronnée de 62 ans, a disparu lors d'une randonnée sur l'île de La Réunion. Des recherches poussées ont été réalisées à de nombreuses reprises, en vain. Elle a également été déclarée décédée, sans que son corps puisse être rendu à ses proches. 

Claire Descargues - présidente ARPD Bourgogne-Franche-Comté

Vous cherchez un proche disparu en Bourgogne-Franche-Comté ? Vous pouvez contacter l'ARPD au 06 62 06 45 72 ou par mail via

clairedescargues@orange.fr

https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/doubs/70-000-personnes-disparaissent-chaque-annee-en-france-comment-travaillent-les-benevoles-de-l-association-assistance-et-recherche-de-personnes-disparues-2831024.html?fbclid=IwAR0KIReraHFU0cSba_uZKJAnEIRcA-8fDS0UqzEG8f74p79pkxKa57SG_os